
Au cours du mois de novembre, tous les jours sauf les dimanches,
sera publié un article.
Un article écrit chaque jour par une personne différente,
sur un ancêtre de Dordogne pendant la guerre 14-18.
De A à Z, 2025, est la neuvième participation de l'amicale Genea24.
Aujourd'hui la lettre : L
Accueil Blog lettre précédente
|
LETTRES de Joseph MONTEILVingt ans en 1918Par Mireille BERGER. |
Joseph MONTEIL est né le 15 mai 1898, aux Landes de Cendrieux, canton de Vergt, fils aîné de Pierre 34 ans et Marie Aublanc 24 ans, cultivateurs. Joseph est mon grand-père maternel.
Pierre et Marie Aublanc auront 5 autres enfants Angeline née en1899, Julien né en1902, Emile né en1904, Ida née en1908, André né en1918.
La guerre.
Joseph passe son conseil de révision avec le matricule 843. Il mesure 1,70 m, ses cheveux sont châtain foncé, ses yeux marrons. Son visage est ovale.
![]() |
La guerre est déclarée en 1914, Joseph est incorporé au 73ème Régiment d’Infanterie le 4 mai 1917, soldat de 2ème classe. Il est passé au 33ème RI le 3 janvier 1918. Sa première montée au front s’est faite donc début mai 1917.
|
Sa guerre, il n’en parlera qu’avec beaucoup de pudeur. Ce sont ses lettres qu’il a écrites à sa sœur Angeline qui décriront l’enfer qu’il a vécu. Voici deux paragraphes tirés de sa correspondance :
|
« La montée au front », on appelle ça le baptême du feu : un vacarme infernal, un déluge d’explosions, de sifflements de balles. C’était dans la vallée de la Meuse, au nord de Verdun. Avant de monter à l’assaut, on nous faisait boire un verre de vin mélangé avec de l’éther. Ce breuvage nous rendait à moitié fous. Nous avons passé 14 mois dans les tranchées pleines d’eau et de boue avec des cadavres de soldats Français et Allemands dans une odeur à faire vomir tripes et boyaux. Dans les moments d’accalmie on aidait les territoriaux à creuser les fosses pour enterrer les morts. On cassait en deux le bracelet d’identité avant la mise en terre, suivant le pointillé. Cette moitié était remise à l’officier d’état civil qui devait avertir le maire de la commune de résidence du mort, l’autre moitié restant au poignet du soldat afin de pouvoir l’identifier ultérieurement. Pour marquer l’emplacement de la tombe, on plaçait une baïonnette dans la terre et on la coiffait d’un casque. |
|
Le 20 juin 1918, nous venions d’être relevés de 4 jours et 4 nuits passés dans les tranchées de Varennes en Argonne. On s’était arrêté pour manger en bordure d’une forêt à travers laquelle le génie avait ouvert un chemin afin de pouvoir acheminer les munitions et les vivres aux soldats du front. Cette forêt devait être belle avant la guerre, c’était maintenant un amas de troncs déchiquetés. Soudain on entend au-dessus de nous, siffler un obus qui explose à moins d’une centaine de mètres. Quelques minutes après on ressent une brûlure aux yeux et à la gorge : l’adjudant crie : « les gaz, évitez de respirer, prenez vos masques et vos lunettes, montez sur les troncs des arbres déracinés ! ». |
|
|
L’ypérite est plus lourde que l’air, à quelques mètres au-dessus du sol |
|
« Le 8 juillet 1918 je suis grièvement blessé à Villers-Coterets (Aisne) : Ce jour-là -Il faisait juste jour- mon escouade venait de prendre position dans un enfer d’obus ; la terre en tremblait. Un de ces obus de gros calibre explose à une trentaine de mètres de nous. Nous étions couchés, le caporal qui avait le commandement t de l’escouade nous ordonne de nous mettre dans un énorme trou que venait de creuser l’obus. Il était jonché de débris humains, de vêtements, de restes d’une mitrailleuse, un soulier avec un pied sortait de la terre. Ce spectacle n’était pas nouveau pour nous, on voyait ça tous les jours. A peine nous y être installés tant bien que mal, un autre obus explose tout près. A partir de cet instant, je ne me souviens plus de rien, j’avais perdu connaissance. J’appris plus tard que sur les 9 hommes de mon escouade, 5 étaient morts sur le coup, 2 blessés dont moi et 2 seuls s’en étaient tirés sans trop de mal. Lorsque je reprends connaissance, j’étais dans une tranchée, allongé sur de la paille parmi plusieurs autres blessés. Un infirmier passe devant moi et me demande si ça va. Je réponds « non ! J’ai très mal à mon côté droit et j’ai froid ». L’infirmier enlève alors la veste du sergent qui venait de mourir à côté de moi. Cette veste m’a sauvé la vie : deux brancardiers arrivent pour récupérer les blessés et disaient à haute voix : « les gradés en premier, les simples soldats après ». Arrivant à moi, ils pensent que je suis sergent et me chargent sur le brancard. Alors commence le long trajet vers l’hôpital avec de fréquents arrêts dans les infirmeries de campagnes. On me lavait les plaies, on me donnait des calmants et des médicaments. Après plusieurs examens par différents médecins, j’arrive à l’hôpital militaire de Rochefort. (Charente inférieure). |
|
Il faisait très chaud, j’étais toujours couché à plat ventre et ma plaie était couverte d’asticots ; Etaient-ils arrivés de façon naturelle par les mouches ou avaient –ils été mis sur ordre des médecins car on convenait que les asticots consommaient les suppurations de la chair et favorisaient la guérison en évitant l’infection. Dès mon arrivée un médecin capitaine prenant connaissance du dossier que j’avais avec moi décide sur le champ d’une grosse opération, à savoir l’amputation de l’omoplate côté droit, trop brisée pour pouvoir se ressouder. Opération réalisée le 14 juillet sous anesthésie totale. Trois mois sans pouvoir remuer mon bras, c’est long et douloureux. Enfin, aujourd’hui, ça va mieux puisque j’ai pu t’écrire … » |
Sur sa fiche matricule il est noté « épaule droite par balle, plaie pied droit par balle, séquelles de blessures épaule droite, longue cicatrice de 14 cts qui entoure l’épaule à la face antérieure, gros craquement articulaire, limitations des mouvements d’élévation du bras qui n’atteint pas l’horizontale » La Médaille Militaire a été attribué en 1954. |
|
![]() |
A son retour, Joseph se marie à Cendrieux avec Marcelle Valois le 05 août 1920. Marcelle avait perdu ses deux frères et son neveu dans cette guerre. Fière de ce grand père très discret, qui a été choisi par la Résistance à Cendrieux pour exercer la fonction de Maire de la commune. Il y restera jusqu’en 1953. Il décédera le 20 octobre 1972, au Pigeonnier à Cendrieux.
|
- Petit clin d’œil : c’est lui qui a enregistré l’acte de ma naissance en septembre1949.

Courriel |
|