WORMS Jean

De Paris à Boulazac, en passant par Pessac

D’Elise Worms, nous ne savons pas grand-chose. Vraisemblablement issue d’une famille juive ashkénaze, elle était, à 25 ans, célibataire, employée comme cuisinière au 131 du boulevard de Sébastopol dans le IIème arrondissement de Paris.
Le 10 octobre 1894, elle donna naissance à l’Hôpital Cochin à un enfant naturel, Jean Worms, déclaré le lendemain à la mairie du XIVème arrondissement.
Son fils grandit à Paris, et fit des études à l’École nationale des Industries agricoles de Douai pour devenir ingénieur chimiste, études pendant lesquelles il adhéra au parti socialiste (dès 1912). Le 3 avril 1914, lorsque Jean Worms rejoignit l’armée pour son service qui devait initialement durer 3 ans, il habitait avec sa mère dans un immeuble huppé du XVIème arrondissement de Paris, au numéro 17 de l’allée de La Muette.

Dès le 2 août, juste après la déclaration de guerre, il fut envoyé en campagne contre l’Allemagne au sein du 7ème régiment de cuirassiers auquel il fut attaché pendant toute la durée du conflit. Rentré chez lui le 3 septembre 1919, il épousa le 29 juin 1920 à la mairie du XIème arrondissement de Paris Yvonne Grinstein, fille de Salomon Grinstein, marchand de meubles au 138 boulevard Voltaire, né à Odessa, sur les bords de la Mer Noire (à l’époque dans l’Empire russe, aujourd’hui en Ukraine), et d’Henriette Worms, née en Lorraine.

Au mariage, on est interpellé par la présence du rentier Paul Lévy, témoin qui habitait à la même adresse que Jean Worms et sa mère désormais sans profession, et âgée d’environ 50 ans.

Qui fut Paul Lévy dans la vie d’Elise Worms ? Dans celle de Jean Worms ? Né le 8 janvier 1849 à Luxembourg, dans le Grand-Duché du même nom, il s’installa à Paris, puis épousa en 1880 Camille Lévy dans la ville de Strasbourg (située en Allemagne depuis 1870), et il semblerait qu’il fut rapidement veuf. Les Worms habitaient la même adresse depuis au moins 1914. Il sera intéressant, pour les plus curieux, de chercher où habitait Paul Lévy en 1894 au moment de la naissance de Jean…

Au printemps 1921, c’est probablement sa carrière qui entraîne Jean Worms et son épouse à s’installer temporairement à Talence près de Bordeaux puis quelques mois après, à Pessac où ils habitèrent à différentes adresses pendant 14 ans.
En 1922, Yvonne donna naissance à leur fille unique, Nadine. Les années 20 passèrent, et Jean Worms rencontra Gigi, une jeune femme de Pessac. Au début de l’année 1935, Jean quitta son foyer et s’installa avec sa maîtresse en Dordogne, à Boulazac. Malgré les démarches judiciaires d’Yvonne, Jean ne donnait aucune suite, et l’épouse n’obtint le jugement de divorce qu’en janvier 1939 après le délai légal de 3 années de séparation de corps. La même année, en juillet, Jean se remaria à la mairie de Boulazac avec Gilberte Jeanne Herminie Laffargue dite Gigi. Parallèlement, Jean s’était rapidement investi dans la vie politique locale. Il se présenta pour le parti socialiste aux élections législatives de 1936 dans la circonscription de Sarlat. Au second tour, il se retrouvait face au Radical-Socialiste Yvon Delbos, contre lequel il se maintint, considérant que ce dernier n’était pas un homme du Front Populaire. Les urnes avantagèrent Yvon Delbos qui avait été soutenu par la Fédération socialiste. On aurait pu croire que le parti aurait tenu rigueur de cette indépendance d’idées à Jean Worms, il en fut tout autrement, puisqu’il fut investi comme candidat aux sénatoriales de 1938 en Dordogne, sans succès cependant.

Jean Worms-Germinal

Lorsque la seconde Guerre mondiale est déclarée, Jean Worms est affecté spécial dans les poudreries au titre d’ingénieur hydraulicien. Démobilisé à l’armistice, il commence des activités de résistance, et lors de l’invasion de la Zone Libre par les allemands, le 11 novembre 1942, il prend le maquis, et entre dans la clandestinité sous le pseudonyme de Germinal. Il y prit une place importante, et devint chef départemental du « Mouvement de libération nationale ».
En 1944, le mouvement « Libération Sud » le désigna comme délégué à l’Assemblée consultative provisoire. Il devint ensuite Président du comité départemental de Libération, poste dont il fut écarté par les communistes en 1946. Il avait aussi été élu maire de Boulazac en octobre 1944, mais n’occupa la fonction que jusqu’en mai de l’année suivante. Il faut dire que Germinal avait été impliqué dans les affaires suivant le casse du train de Neuvic, où il avait été reproché à certains résistants d’avoir utilisé cet argent pour leurs partis plutôt que pour subvenir au besoin des troupes. Une information judiciaire avait été ouverte à la fin de l’année 1944 par le procureur de la République à Sarlat, mais les poursuites furent suspendues. Le mal était fait, et même après la Libération, ses opposants ne cessaient de ressasser cette affaire ce qui lui porta grandement préjudice. En octobre 1945 cependant, il fut élu député de la première assemblée constituante sur la « Liste socialiste de la Résistance » conduite par Robert Lacoste, ce qui l’amena ensuite à être nommé membre de la Commission de l'équipement national et de la production ainsi que de la Commission du travail et de la sécurité sociale. Il fut également nommé juré à la Haute cour de justice. Le 5 mai 1946, la proposition de constitution qu’il soutint fut rejetée, et Jean Worms-Germinal ne se représenta pas aux élections pour la deuxième assemblée constituante.

Jean Worms-Germinal quitta la ensuite la Dordogne pour rester à Paris où il dirigea une entreprise de constructions électriques, puis il s’installa en Indre-et-Loire, où il acquit le manoir de Détilly à Beaumont-en-Véron, tout près du confluent de la Vienne et de la Loire. Il se présenta en 1958 dans la 4ème circonscription d’Indre-et-Loire, comme suppléant d’un candidat qui ne fut pas élu.

Les destinées familiales.

La première femme de Jean Worms, Yvonne Grinstein, et leur fille Nadine, étaient retournées s’installer à Paris après la séparation. Elles habitaient en 1939 dans le XXème arrondissement, au 11 allée Marie Laurent. La dernière trace de Nadine Worms est l’inscription de son nom lorsqu’elle fut placée dans le convoi n°64 qui partit du camp de Drancy le 7 décembre 1943 à destination d’Auschwitz, emportant 1000 personnes dont 155 enfants. Seulement 42 personnes de ce convoi survécurent au voyage et aux traitements dans les camps.


En revanche, le destin d’Yvonne reste inconnu à ce jour. Il y a bien une mention de carte d’alimentation en marge de son acte de naissance, mais on n’y trouve aucune mention de décès, lequel n’a pu être trouvée dans l’état civil parisien. Yvonne ne figure non plus sur aucune liste des victimes de l’holocauste, il est possible qu’elle reste à ce jour une victime oubliée de la Shoah.

De son second mariage, Jean Worms eut une fille, Monique, qui se maria et eut trois enfants.

Jean Worms revint passer sa retraite en Dordogne, à Neuvic. Il y décéda le 3 avril 1974. Son épouse Gilberte décéda en 1991. Ils reposent tous les deux au cimetière communal de Neuvic.

Décorations.

Jean Worms-Germinal est titulaire de la croix de guerre 1939-1945, ainsi que de la médaille de la Résistance française avec rosette.

Beaucoup de sources mentionnent aussi le fait qu’il est chevalier de la Légion d’honneur, cependant, son dossier est introuvable sur la base Léonore, et il n’y a aucune mention de cette décoration sur sa fiche militaire.

Il est très probable qu’il ait été confondu avec son homonyme, Jean Worms, né en 1909 à Paris, et décédé en déportation à Flosssemburg en Allemagne en 1945.


Il existe aujourd’hui une rue Germinal Worms dans un quartier pavillonnaire de Boulazac.

Par Julien LIUT.

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