CAMINEL

C comme Caminel.

Durant tout le XVIIIe siècle, on trouve à Terrasson une famille LAVAL, mais dont les chefs de famille portaient le surnom de Caminel. Voici leur histoire :

1. Une origine de Temniac, près de Sarlat, et des alliances qui font voyager du Sarladais jusque dans le nord du Terrassonnais

Le 27 juillet 1654, maître Chanet, notaire royal, se rend au château de Lasserre, en la paroisse de Saint Quentin (Marcillac-Saint-Quentin). Il doit y rédiger un contrat de mariage.

Le futur époux s’appelle Anthoine Laval doté de 200 livres tournois, fils cadet de Pierre Laval et de feue Thevene Laroche. Il est originaire de la paroisse de Temniac, du lieu appelé Caminel, à moins de 10 km de là. Les LAVAL sont propriétaires de terres dont le châtelain de Lasserre est le seigneur. La future épouse s’appelle Marie BOUYSSINET, assistée de son frère Jean dit Jeanthou, originaires de la paroisse de Villac, du lieu appelé La Fournerie, hameau ayant la particularité d’être à cheval sur Périgord et le Limousin. Marie est chambrière de la châtelaine, Madame de Lasserre, à près de 40 km de son lieu de naissance. Elle s’est constituée sa dot de 80 livres grâce à son travail, chez au moins six employeurs disséminés dans le Périgord Noir pendant les cinq années précédentes.

Le couple eut trois enfants qui parvinrent à l’âge adulte : Pierre, Thomas et Jeanne. Anthoine LAVAL décéda, et c’est alors que Marie BOUYSSINET, devenue veuve, entreprit de se rapprocher de son frère, Jeanthou, qui vivait au Moulin de Coutal, paroisse de Terrasson où il était laboureur.

La relocalisation se fit par une double union dont les termes furent fixés le 26 janvier 1673 devant maître de JAYLE, notaire royal à la résidence de Terrasson :

- Marie BOUYSSINET épousa Jean MARTEL, laboureur et tailleur d’habits, originaire de La Reymondie, paroisse de Nadaillac, veuf de Jeanne LAGORSSE, chez qui il était entré gendre presque vingt ans auparavant, au village des Fauries, paroisse de Terrasson

- Pierre LAVAL, fils de Marie, épousa la fille de Jean MARTEL, Mondine MARTEL, et tous les deux étaient nommés héritiers universels de leurs parents.

2. Un départ difficile.

Le 31 mai 1681, Pierre LAVAL et sa mère sont allés chez un notaire de Proissans, maître DEVAUR, pour régler certains détails de la succession de leur père, et premier époux, Anthoine LAVAL. Des désaccords sont nés avec la branche aînée de la famille, qui étaient restés résider à Caminel, paroisse de Temniac : l’oncle Jean et son fils Pierre LAVAL sont aussi présents, car les 200 livres de dot d’Anthoine n’ont jamais été payés, ni 20 livres supplémentaires qui lui avaient été légués par son père dans son testament. En plus de cela, les LAVAL de Terrasson réclament des intérêts pour le retard de paiement. Les LAVAL de Temniac pensaient devoir beaucoup moins, notamment parce qu’ils ont nourri et logé deux enfants de Marie BOUYSSINET, Thomas et Jeanne LAVAL, pendant plusieurs années (ils n’avaient donc pas dû venir habiter à Terrasson avec leur mère et frère lors du double mariage !). Un arrangement fut finalement trouvé, pour éviter d’arriver au procès. Les LAVAL de Temniac durent finalement la somme de 290 livres aux LAVAL de Terrasson.

Pour le paiement de cette somme, les LAVAL de Temniac abandonnèrent un bois de châtaigniers situé le long du chemin menant de leur habitation du village de Caminel à Sarlat.

3. Une arrivée compliquée

Le bois de châtaigniers récupéré en 1681 se trouve donc aux appartenances du village de Caminel, à plus de 30 km du village des Fauries où les LAVAL habitent.

Le 15 janvier 1689, pour leur commodité respective, François MONZIE, maître « sargetier » de la ville de Sarlat, échange avec les frères Pierre et Thomas LAVAL, plusieurs de ses terres qu’il possède dans les appartenances du Bos paroisse de Terrasson avec ce fameux bois de châtaignier.

Mais au mois de juin, un voisin du village du Bos, Estienne LAROCHE, récolte les blés d’une des parcelles comptées dans l’échange, et les emporte chez lui. Les LAVAL pensent que ce voisin avait un droit de « colonnage », qui incluait semis et récolte de la parcelle, et qu’il leur devait ainsi la moitié de la récolte. Cependant, Estienne LAROCHE se considère propriétaire de la parcelle, au titre de l’héritage de sa défunte mère, Jeanne SEYRAL.

En juillet, les Pierre LAVAL se rend à Sarlat, en son nom et en celui de son frère Thomas, pour rencontrer François MONZIE, et tirer les affaires au clair, récupérer la pièce, la moitié des fruits, ainsi que de se faire payer des dommages intérêts. Malheureusement, il manque la toute fin de l’acte, et il est compliqué de déterminer exactement ce qu’il est advenu ensuite, et qui de MONZIE ou LAROCHE a menti aux LAVAL.

4. Apparition du surnom dans les actes

Le surnom « Caminel » a-t-il été utilisé dès l’arrivée des LAVAL dans le Terrassonnais ? Il apparaît pour la première fois dans un acte notarié du 23 décembre 1720. Tous les LAVAL qui étaient nés à Caminel, paroisse de Temniac, sont alors décédés : Pierre en 1713, et Thomas en 1715, sans s’être marié. C’est donc Jean, leur fils et neveu, qui a repris le flambeau. Il fut marchand en plus d’être laboureur.

En 1721, une liste de comptes est établie pour « le beau-frère de Caminel ».

En 1732, Jean LAVAL dit Caminel fait état des comptes de son beau-frère Jean LAUMON, qui est aussi son métayer depuis 1719 au village du Bos de Terrasson.

En 1735, Jean LAVAL dit Caminel prend un nouveau métayer au Bos, et s’accorde avec lui sur les conditions.

D’autres documents le désignent comme étant « LAVAL », ce qui veut dire que Caminel n’avait pas totalement éclipsé son identité. Notamment, une lettre qui s’adresse directement à lui, certainement de son procureur (ou avocat ?) :

« Mon cher LAVAL, Je fus mortiffié de ne pouvoir me rendre à Terrasson come javois promis a vostre fils, mais il c'est trouvé que le conselh a décidé que nous ne pouves avoir vostre Sag… mot contracté encore de deux audiances. Je suis fasché de cette remise après les autres, il ne vous en coutera rien plus et je vous la rendray à la foire de may à Terrasson soyes en perssuade et que je suis tout à vous
Ayen le 19 apvril 1738                 J LATREILHE »

Jean LAVAL dit Caminel est décédé en 1745, après s’être marié trois fois. Seuls trois enfants de sa troisième épouse sont parvenus à l’âge adulte, et l’aîné, Blaize, lui succéda brièvement comme chef de famille, car il décéda à 30 ans, en 1747. De son vivant, aucun acte ne le mentionne sous le surnom de Caminel.

5. Un surnom qui se décline

Blaize LAVAL laissait une jeune veuve de 27 ans, Marie ROUZIER (1721-1785), qui reçut l’hérédité de son mari, à charge pour elle de la remettre à l’un de leurs trois enfants.

Marie ROUZIER passa de nombreux actes notariés, et eut notamment des désaccords avec le marquis de Montmège dont elle avait des terres en fermage. En 1765, année où une affaire fut portée devant la cour de justice, Gabriel JAYLE, sergent ordinaire de Terrasson et de Montmège, rédige un acte dont il destine une copie à « La Caminelle des Fauries ». Ainsi, le surnom s’est féminisé quand la maison échut à une femme.

6. Le dernier des Caminel

En 1767, le fils de La Caminelle se marie à Cublac. François LAVAL épouse Pétronille BOUDY. Pendant la Révolution, il quitte le village des Fauries, pour s’installer près de là, au Bos, où il se fit construire une maison bourgeoise avec une tourelle pigeonnier, par un architecte nommé NEUVILLE (qui signa sur la façade).

François LAVAL décéda le 21 décembre 1812 au Bos de Terrasson, âgé de 70 ans. Il avait eu deux filles qui parvinrent à l’âge adulte : Marie LAVAL (1771-1835) qui épousa François MAYAUDON au lieu de Canéta, et Catherine LAVAL (1774-1836) qui épousa Antoine LABLEYNIE qui vint s’installer chez son épouse. Leur arrière-petit-fils, Arnaud dit Paul LABLEYNIE (1872-1964) fut maire de la commune de Terrasson et conseiller général du canton de Terrasson de 1931 à 1940. Il avait épousé une cousine éloignée, Augusta DOUAT, fille de Noémie MAYAUDON, descendante de François MAYAUDON et de Marie LAVAL.

Le dernier acte portant la mention du surnom Caminel date de 1815. Il s’agit d’un extrait des rôles des contributions directes destiné à M. LAVAL dit Caminel (pourtant décédé un peu plus de deux ans auparavant).

Ainsi, le surnom de Caminel persista dans les actes de 1721 à 1815, soit pendant plus de 95 ans. Mais à partir de quand fut-il porté ? Dès le double mariage de Marie BOUYSSINET et de son fils Pierre LAVAL avec Jean et Mondine MARTEL, en 1673 ? À partir de l’échange des biens avec MONZIE en 1689 ?

Par Julien LIUT.

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